
Chronique de Philippe Simonci
C’est avec un feu d’artifice que la première de la saison nouvelle est célébrée ce soir. Invité de prestige, le trio du pianiste Paul Lay pour son projet « Rhapsody in Blue Extended ». Sans jouer à mon petit Wikipédia, c’est le 12 février 1924 que l’œuvre originale est donnée pour la première fois avec l’orchestre, et sous sa baguette, de Paul Whiteman et au piano, le compositeur qui, n’ayant pas terminé son écriture, improvisera beaucoup nous relate-t-on, mais nous n’en avons pas de témoignage sonore. Il fixera la partition par la suite, celle que joue désormais les pianistes « classiques » et celle sur laquelle les pianistes « jazz » savent improviser évidemment… Paul a eu l’idée d’en donner sa vision avec son trio devant un orchestre symphonique et pas son seul piano, c’était à Strasbourg en 2024 pour célébrer le centenaire de l’événement, il y a tout juste un an. Il a depuis fait voyager le projet dans le monde, mais ce soir, à Primarette, le trio seul jouera tout… Pour le seconder, le très subtil et fidèle Donald Kontomanou jouera la batterie d’Alain Dumont et nous aurons l’immense plaisir de découvrir Jules Billé, le tout jeune contrebassiste choisi par ses mentors pour succéder au regretté Mátyás Szandai.
En deux sets le concert du soir, (il faut faire fonctionner la buvette et l’occasion de rencontrer les musiciens qui se mêlent à leur public), introductions mystères pour jouer George Gershwin évidemment, quelques thèmes devenus des standards (Nice Work if You Can Get It, It Ain’t So Necessary So, Someone to Watch Over Me, Summertime en bis) mais aussi donner deux titres du dernier projet du trio : « L’Odyssée ».
Découverte de ce contrebassiste à la justesse totale, au doigté rapide qui connait les nuances, qui joue beaucoup dans les médiums de l’instrument et qui ne sera pas sans me rappeler une certain NHØP, d’autant que Paul Lay a choisi de jouer également deux mouvements de la « Bach Suite » imaginée par Oscar Peterson. Les fulgurances du pianiste évoquent immanquablement l’histoire des pianos de Fats Waller à Don Pullen aussi, avec la personnalité totale d’un musicien inventif, gracieux et délicat. Donald Kontomanou est un batteur recherché, demandé sans aucun doute, lui aussi est une très fine lame au service absolu des musiques qu’il joue avec puissance et délicatesse également.
La pièce maitresse est celle du deuxième set avec comme pour une nouvelle mise bouche une autre improvisation sur un Prélude de Jean-Sébastien Bach, place à la rhapsodie/concerto bouillonnante, fougueuse et jubilatoire qui amènera évidemment l’auditoire vers la standing ovation.
Comme le pratique Stefano Bollani (*), Paul Lay est sans doute l’un des rares pianistes à avoir à ce point fait fusionner sous ses dix doigts, les musiques dites classiques et les flammes des musiques que le jazz aura développé depuis le début du XXème siècle. En « grand pianiste », il aura, visiblement avec plaisir, joué les 97 touches du Bösendorfer Impérial mis à sa disposition ce soir.
Nous restons dans l’attente de l’écoute en direct de l’œuvre avec orchestre symphonique, à minima par un enregistrement qui n’est pas encore dans l’actualité bien malheureusement, il vous reste le replay : Concert à New York : Gershwin – La Folle Journée de Nantes 2025 – Regarder le programme complet | ARTE Concert